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"Le moralisme ne peut être ni moteur, ni responsabilisant"

"Le moralisme ne peut être ni moteur, ni responsabilisant"

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Entretien avec Anne-Nelly Perret-Clermont, professeure honoraire à l’Institut de psychologie et éducation de la Maison des Processus Sociaux (MAPS) de l’Université de Neuchâtel.
©Guillaume Perret

[Cet article a été initialement publié dans le guide IDÉES PRATIQUES #1 : Bébé (aussi) sera écolo, réalisé par ID L'Info Durable]

Peut-on considérer que les jeunes parents doivent faire face à des enjeux écologiques particuliers comparé à dix ou vingt ans auparavant ?

Les situations sont très diverses. Certains parents se sentent si limités dans leurs ressources qu’ils pensent devoir éviter de se poser la question écologique par manque de moyens financiers. Mais le doute est là, chez eux aussi, et contribue à diminuer leur confiance dans le "système" et ses institutions, ce qui est assez dangereux pour le lien social. Pour d’autres parents, assez brusquement, les enjeux sont devenus très importants, couplés aux changements déjà opérés par l’arrivée des téléphones portables.

Un exemple frappant : un mode de garde des enfants s’est mis en place sans la barrière du temps et de l’espace telle qu’elle existait il n’y a pas si longtemps. Maintenant, grands-parents, crèches et nounous utilisent cette technologie pour être en contact avec les parents et prendre avec eux toutes les décisions au fil des évènements (par exemple si l’enfant devient fiévreux). Je pense qu’il y a un état d’alerte en lien avec la crise écologique. Les parents surveillent les différentes personnes qui interviennent sur leur enfant (éducateurs, médecins, enseignants) avec un regard plus critique qui les amène à moins déléguer sans comprendre.

Les parents ont davantage besoin de contrôle ?

Disons qu’ils souhaitent prendre part aux décisions et être actifs, il n’est pas question d’agir pour son enfant les yeux fermés. Ainsi, on discute la part de bio à la cantine de l’école, le lieu des sorties en plein air de la crèche. Les parents s’interrogent beaucoup plus qu’il y a vingt ans. Ils veulent préserver leurs enfants devant les poisons présents partout dans l’air, l’alimentation et même les soins, mais ils désirent aussi s’engager pour remettre le monde en ordre (si faire se peut...) et être écoresponsables. Je vois pointer une crise de confiance générale qui pourrait aussi toucher l’école : les connaissances enseignées, la socialisation et la sélection scolaire préparent-elles vraiment à relever les défis actuels ?

Les enfants deviennent-ils débrouillards, responsables, sociables et aptes à mobiliser intelligemment leur créativité dans des efforts d’équipe pour inventer des solutions, y compris dans des situations d’urgence ? Dans bien des domaines, les parents sont encore plus parents : ils ne veulent plus déléguer aveuglément mais assumer leurs responsabilités. Les parents ont de nouveaux sujets de discussion.

La prise de conscience de la crise écologique peut amener les parents à aller encore plus loin dans cet objectif de contrôle ?

Votre question me fait penser à la réaction d’un jeune de trente ans, entendue au détour d’une conversation : "Maintenant que j’ai l’intention d’avoir des enfants, je ne veux surtout pas devoir me reprocher un jour d’avoir été négligent. Tant que cela ne concernait que moi-même, je flottais, mais lorsqu’il s’agit de nos enfants, on se met droit debout et on fait face". Les gens constatent les effets massifs de la pollution, expérimentent par eux-mêmes, échangent leurs observations, font circuler les informations. Les émotions circulent aussi : angoisses en tous genres (climat, environnement, emploi, économies, retraites, conflits locaux et mondiaux) qui affectent les relations et le désir de contrôle. Mais ces émotions invitent aussi à réinventer l’échange, la solidarité, l’entraide, les fêtes de quartier, les sports respectueux, l’attention au monde, les discussions sérieuses.

La parentalité est une période qui a aussi ses difficultés, est-ce qu’il ne faut pas une certaine tempérance dans ses ambitions écologiques pour ne pas trop se mettre la pression ?

Cela dépend de son réseau social d’entraide, d’information, de soutien. Si on est isolé, il est très possible que ces questions soient éludées faute de ressources pour les affronter. Mais les personnes qui savent s’entourer et se soutenir via des liens sociaux vivants, sont au contraire dynamisées. Autour d’objets communs, de préoccupations partagées, on coopère. On se redécouvre comme faisant partie de la société !

On discute la part de bio à la cantine, le lieu des sorties en plein air de la crèche... Les parents s’interrogent beaucoup plus qu’il y a vingt ans.

Quels conseils donneriez-vous à des parents qui considèrent que la parentalité et la transition écologique vont de pair ?

Bien maintenir la joie de vivre comme un critère de leurs actions avec leurs enfants ! Même si les adultes ont de quoi être angoissés, ce n’est surtout pas l’angoisse qu’il faut transmettre aux enfants. C’est plutôt le respect des personnes et de la nature, l’art de s’informer et de prendre des décisions positives qui nous font du bien sur tous les plans. Je conseille vivement de se méfier d’une morale puritaine qui, de toute façon, ne tiendrait pas dans le long terme. Penser plutôt à une invitation à une aventure, avec des hauts et des bas, mais éviter à tout prix le moralisme qui ne peut être ni moteur ni responsabilisant. Il ne s’agit pas de faire juste, mais de faire au mieux !

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