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Quentin transforme du plastique abandonné dans les rivières en lunettes de soleil stylées

Quentin transforme du plastique abandonné dans les rivières en lunettes de soleil stylées

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Après une thèse en chimie des matériaux, Quentin Passet s’est intéressé à la fin de vie des déchets. Comment les revaloriser au mieux ? Le jeune homme de 30 ans a fondé Eio, une marque de lunettes de soleil fabriquées en France, à partir de plastique abandonné dans les rivières de son département, l’Hérault.
Eio

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Morceaux de chaises de jardin, vieilles bouteilles ou même bouts de kayak : voilà le genre de déchets en plastique voguant sans vergogne sur l’Orb et ses affluents, dans l’Hérault. Depuis 2020, Quentin Passet collecte ces détritus charriés par les eaux, pour en faire… des lunettes de soleil. 

Pour élaborer son projet entrepreneurial, le jeune homme s’est interrogé sur la meilleure manière de réduire la pollution plastique. À quel endroit collecter pour que cela soit le plus efficace ? Sur l’immense surface d’un territoire ? En mer ? Finalement, “se concentrer sur les fleuves et les rivières permet de limiter la zone d’intervention et de récupérer les déchets avant leur arrivée dans la mer ou l'océan”. Une première phase locale et efficace, pour éviter une bonne dose de pollution et de destruction de la faune et la flore. Ensuite, son but est clair : valoriser ce plastique, pour en faire des objets jolis et durables… 

Se concentrer sur les fleuves et les rivières permet de limiter la zone d’intervention et de récupérer les déchets avant leur arrivée dans la mer ou l'océan.

Les deux modèles d'Eio
Eio

Dans sa vie d’avant, Quentin n’était pas du tout destiné à fabriquer des lunettes ou à gérer la fin de vie du plastique... Après une enfance dans le coin de Montpellier, il enchaîne avec une prépa scientifique et une école d’ingénieur à Bordeaux. “En parallèle, je m’intéresse de plus en plus au sujet de l’environnement et de la pollution plastique, avec une envie croissante de créer une entreprise dans ce domaine”, se souvient-il. Une fois diplômé, il veut approfondir ses connaissances scientifiques, et entame une thèse au sein du Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques du CNRS. Son sujet ? La synthèse des polymères à partir d’huiles végétales. 

Quentin est plutôt du genre à se poser des milliers de questions. Quand il raconte ses années de doctorant, il nuance les bénéfices de la création de plastiques à base de végétaux. Pour lui, malgré leurs qualités, il ne faut pas les encenser les yeux fermés : “quelles sont les huiles végétales utilisées ? Entrent-elles en compétition avec l’alimentation ? Quel est l’impact de la culture sur l’environnement ? Et de la fabrication de la matière ? Le produit fini est-il utile, durable, réparable, recyclable ?”. Ses réflexions le mènent donc à s’intéresser à la fin de vie des matériaux.

Une mode “utile, éthique et tendance”

Son idée germe en 2018, avec l’objectif de financer la collecte des déchets, en créant de beaux objets à partir de plastique recyclé, pas de ceux qui finiront leur existence au fin fond d’un placard. Dès l’automne 2019, il est accompagné dans la rédaction d’un business plan par un incubateur de Lunel (Hérault). Le nom de son projet ? Ce sera Eio, un mélange d'“eye” et d’”eau”. 

Il travaille sur le dessin des deux premiers modèles, Avène et Caroux, avec un designer d’Oyonnax, appelle des tas de fournisseurs et déniche le lunetier de l’Ain avec qui il travaille encore aujourd’hui. Son but : produire localement et préserver les savoir-faire des quatre coins de la France ! Il trouve aussi des verres biosourcés fabriqués dans le Jura. Seules les charnières en métal viennent d’Allemagne, en l’absence de fournisseur français. 

Pour les pochettes confectionnées dans l’Indre, l’entrepreneur choisit du cuir italien avec un tannage végétal… Touches finales : des étuis en carton produits dans le Doubs et des lingettes en microfibres venues des Pyrénées-Orientales toutes proches.

Début 2020, les prototypes sont validés, tout est fin prêt. Mais la pandémie et le confinement viennent mettre un gros coup de frein au projet. Finalement, les moules - seuls éléments venus d’Asie - débarqueront en septembre 2020. “J’étais dans le Jura pour les premières injections. On ne savait pas si tout allait bien s’assembler”, raconte Quentin. Le résultat est bon et les lunettes précommandées par sa communauté sont envoyées !

De l’Hérault à l’Ain

Aujourd’hui, le processus est toujours le même : une chaîne de production hexagonale. Au moment de leurs interventions sur les berges et les fleuves, les équipes de l’EPTB (Etablissement public territorial de bassin) de l’Orb et du Libron, en charge de la préservation et de la sécurisation du bassin, ramassent les déchets. Quentin a un accord avec eux : les morceaux de plastique sont laissés dans des points de collecte définis à l'avance.

Le créateur d'Eio récupère ces matériaux. Il vide tout par terre dans son local de Lunel, pour trier ceux qui sont valorisables. Comment les reconnaît-on ? “Les meubles de jardin ou les kayak sont souvent en polypropylène (PP). Quand aux bouteilles en plastique, elles sont en PET (Polytéréphtalate d'éthylène). On trouve aussi du PEHD (Polypropylène haute densité), qui n’est pas encore réutilisable pour des lunettes”.

Ensuite, Quentin lave et broie ces déchets, qui partent ensuite vers le département du Rhône : ils sont mélangés (à hauteur de 10%) à du plastique recyclé issu d’un collecteur classique situé en Côte-d’or. Cette proportion est savamment réfléchie : “cela permet de ne pas dégrader les propriétés du matériau final. Mais mon but, c’est d’augmenter la proportion de plastique issu des rivières”. De nouveaux essais seront réalisés prochainement !

Lunettes de soleil Caroux Eio dans un décor de montagne
Lunettes de soleil Caroux/ Eio

Dans l’atelier de Lunel

Il en ressort des granulés avec une teinte homogène, qui voyagent juste une centaine de kilomètres pour arriver chez le lunetier d’Oyonnax. Là, ils sont chauffés, fondus et injectés dans des moules. Une fois le tout refroidi, ces montures 100% recyclées repartent à Lunel, où Quentin réalise le polissage, l’assemblage des verres, l’installation des charnières et les finitions. 

En parallèle de cette démarche de fabrication soigneusement pensée, Quentin a avancé sur bien d'autres fronts. En janvier 2021, Eio commence à se rapprocher de plusieurs marketplaces. En avril, date importante : “on commence à vendre chez des opticiens et dans des boutiques de mode. C’est important d’avoir des retours de professionnels”.

Collecter le plastique dans les rivières, c’est bien. Ne pas avoir à le faire, c’est (beaucoup) mieux.

Cette année, l'entrepreneur, qui travaille désormais avec un alternant, aimerait “sortir de nouvelles collections et développer de nouveaux procédés de fabrication”. Et puis, Quentin ne perd pas de vue son objectif de base. Comme il l’écrit sur son site, “collecter le plastique dans les rivières, c’est bien. Ne pas avoir à le faire, c’est (beaucoup) mieux. Les produits fabriqués par Eio doivent servir de vitrine pour sensibiliser sur les enjeux de la pollution plastique et les solutions à apporter”. Pour qu'un jour, plus aucun morceau de kayak abandonné ne traîne sur les bords des rivières de l'Hérault et d'ailleurs !

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À propos de l'autrice
Lucie de la Héronnière
Responsable éditoriale
Lucie a travaillé pendant une dizaine d'années pour la presse et l'édition. Sa spécialité ? L'alimentation et ses enjeux. Pour Bien ou Bien, elle plonge désormais dans toutes les facettes de la consommation responsable.

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