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Règles renforcées, labels... L'agriculture biologique sous la tutelle européenne

Règles renforcées, labels... L'agriculture biologique sous la tutelle européenne

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L’agriculture biologique, pour l’exécutif, n’est plus seulement française, mais se conjugue bel et bien à la mode européenne. Le 1er janvier 2022, une version renforcée du texte réglementaire de l’UE est entrée en application, entérinée en 2018 après un report d’un an lié à la crise sanitaire. Celle-ci se veut plus contraignante et entend renforcer les dispositifs jusqu’ici déjà en place. Petit tour d'horizon.
ID L'info durable

[Cet article a été initialement publié dans le guide IDÉES PRATIQUES #11 : Tout savoir sur l'alimentation bio, réalisé par ID L'Info Durable]

L’agriculture biologique se distingue donc par l’apposition des logos Eurofeuille – label européen, obligatoire - et AB – label français, facultatif – sur les produits. Née en 1991, la réglementation encadre la pratique et précise le cahier des charges quant à "la production, la transformation, la distribution, l’importation, le contrôle et l’étiquetage des produits biologiques", note la Chambre d’agriculture. "Cette réglementation est régulièrement rediscutée entre les Etats membres et la Commission européenne afin de conserver un règlement européen en phase avec l’évolution des pratiques et des marchés biologiques en Union européenne". Dernière modification en date, le 1er janvier 2022.

Adopté en 2018, le cadre règlementaire relatif à l’agriculture biologique a donc été consolidé pour entrer en vigueur avec un retard d’un an lié à la crise sanitaire. Selon l’Agence Bio, cette dernière version "harmonise les pratiques entre producteurs européens", "réduit le nombre de dérogations", ou encore s’applique à de nouveaux champs, citant notamment la laine, les huiles essentielles, les levures... Concrètement, une quinzaine de mesures a été ajoutée. Parmi les importants changements, le volet bien-être animal a par exemple été renforcé : aménagement des infrastructures, interdiction de mutilations... Autre dossier conséquent : les importations.

Produits importés : un encadrement plus strict ?

Si les règles relatives à l’agriculture biologique s’appliquent strictement à tous les acteurs des Etats membres, les produits importés au sein de l’UE pouvaient jusqu’alors passer sous les radars. La version consolidée du règlement européen se veut plus exigeante. Désormais, des accords sont conclus avec un certain nombre de pays pour certifier les produits. D’après l’Agence Bio, "Argentine, Australie, Canada, Chili, Costa Rica, Inde, Israël, Japon, Tunisie, république de Corée, Nouvelle-Zélande, Suisse et Etats-Unis" sont concernés par ces accords, les normes en vigueur dans chacun d’eux ayant été jugées équivalentes à celles des 27. Pour les autres, la certification des produits importés relève d’organismes indépendants désignés par la Commission. En bref, les règles sont les mêmes pour tout produit commercialisé au sein de l’Union, quel que soit le pays d’origine.

Bon à savoir

Lors du passage en douane, les produits bio doivent "être présentés avec un certificat original émis par l’autorité ou l’organisme de contrôle compétent et être contrôlés à chaque étape, de la production à la mise en vente auprès du consommateur final", note l’Agence Bio. En outre, l’Institut national des appellations de l’origine et de la qualité (autrement appelé Inao) veille à l’application du règlement européen et à l’étiquetage des produits.

Les labels

Ces deux labels bio, Eurofeuille et AB, sont aussi parfois comblés par d’autres certifications alimentaires : Label Rouge, AOP, Bleu-Blanc-Cœur... Ils sont nombreux et n’assurent pas tous les mêmes démarches.

Toutefois plusieurs autres labels, plus pointus et portés par des acteurs engagés en bio de la première heure, peuvent assurer d'autres exigences. En voici quelques exemples :

  • Le label "bio française équitable" (BFE). Pour contrer la communication tous azimuts de la grande distribution sur les produits biologiques et tenter d'empêcher une chute des prix, les agriculteurs bio ont musclé leur offre avec un label équitable qui garantit la rémunération des producteurs : comme ce label "bio française équitable" (BFE), lancé par la Fédération de l'agriculture biologique (Fnab).

  • L’association Ecotable. Volet restauration, l’association Ecotable labellise les établissements écoresponsables sur différents critères. Avec un système de classification à la manière des étoiles Michelin, elle certifie par exemple les restaurants locavores, zéro déchet mais également bio.

  • Nature et Progrès. Il complète des produits certifiés biologiques en y appliquant des critères plus sévères. Le label impose par exemple une absence totale d’huile de palme, de colorant, de parfum et d’antioxydant entre autres. Il intervient dans la gestion de l’entreprise, en lui prescrivant des produits d’entretien et ménagers naturels.

  • Le label Demeter. Celui-ci s’applique aussi aux produits ayant le label AB et impose d’autres critères. Parmi eux, la saisonnalité des produits frais, la limitation des produits utilisés dans la culture agricole. Le label lutte aussi contre le mal-être des animaux avec tout un ensemble de mesures à respecter.

  • Bio Cohérence. Créé en 2010, il impose des critères liés aux conditions sociales et salariales des producteurs. Son cahier des charges inclut notamment des réglementations concernant le bien-être animal, mais aussi l’interdiction de serres chauffées et du recours à des travailleurs détachés. Les pratiques agricoles ont pour but de favoriser la biodiversité, et la distance maximale exigée entre producteur et consommateur est de 80 kilomètres maximum.

  • Biopartenaire. Il s'agit d'un label né de l’association de différents entrepreneurs bio. Il impose des critères stricts, impliquant un contrôle à chaque étape de fabrication. Il assure un revenu juste aux producteurs et dynamise l’économie locale par un programme de développement concerté.

Entretien avec Maxime Durand, co-fondateur de PourDemain, marque éthique qui aide les agriculteurs et agricultrices à passer au bio

Passer en bio ne présente-t-il que des avantages pour un agriculteur ou une agricultrice ?

Non. Bien qu’elle apporte une sérénité sanitaire en exposant moins l’agriculteur à des produits phytosanitaires, un modèle plus rentable et plus écologique, la bio a d’autres contraintes. Ce mode de production présente par exemple un risque d’exposition aux maladies et aux nuisibles. Les méthodes organiques restent moins puissantes que les méthodes de synthèse. Pour équilibrer ses sols et avoir besoin de moins d’intrants, l’agriculteur doit également jongler avec plus de cultures différentes. Revenir aux fondamentaux de l’agronomie. Enfin, il faut plus de main d’œuvre. La bio créée de l’emploi, mais cela reste une charge mentale : il faut embaucher, souvent des saisonniers, trouver une nouvelle organisation... Tous les agriculteurs ne sont pas des managers.

Quels sont alors les principaux freins ?

La période de conversion est complexe pour l’agriculteur qui va devoir cultiver en bio – avec toutes les contraintes que cela représente, chute de rendements, hausse des coûts... – mais sans pour autant avoir le label. Et donc, le prix bio. La conversion est financièrement compliquée. À cela s’ajoute la pression mentale de la difficulté technique.

Si l’on compare avec les autres Etats membres, quelles sont les particularités de nos pratiques agricoles en bio ?

La base est la même puisque le cahier des charges est unifié dans toute l’UE. Mais la France a quelques règles supplémentaires assez "uniques" concernant notamment des élevages, comme le lapin ou l’escargot. Une autre grande différence concerne l’interdiction de serres chauffées de manière non durable en bio, ainsi que l’interdiction de commercialiser des produits d’été entre le 21 décembre et le 30 avril, pour éviter toute surexploitation des serres sur les mois les plus froids de l’année.

La crise énergétique représente-t-elle selon vous un enjeu pour le développement d’un modèle agricole durable ?

C’est un facteur important à prendre en compte pour la transition vers un modèle plus durable. Et c’est un facteur en notre faveur. La hausse des coûts de l’énergie favorise les modèles plus sobres qui nécessitent moins d’intrants issus de la pétrochimie. Ce qui obligera les modèles agricoles les plus énergivores à se réinventer.

Que répondre aux consommateurs et consommatrices qui restent dubitatifs quant au cahier des charges bio ?

Il n’y a aucun intérêt à être moralisateur : je crois que l’on a un énorme travail de fond à faire pour prouver et rassurer tous les citoyens sur le cahier des charges. Celui-ci a subi de plein fouet les attaques des gros industriels, des lobbies, de certains politiques... Bien qu’il soit perfectible, la vérité est qu’il reste, à date, la meilleure alternative à l’agriculture conventionnelle. La bio a des impacts positifs sur les trois piliers du développement durable. D’un point de vue économique, elle permet la création d’emploi – +50 % en moyenne – et de modèles agricoles plus rentables. Sur le volet environnemental, elle favorise la captation de carbone, protège les sols, l’eau, la biodiversité. Enfin, sur le volet social, elle protège la santé des agriculteurs, des consommateurs et des populations rurales.

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